Participation citoyenne au Togo : Analyse du processus de la 5ème République avec l'Échelle d'Arnstein
En 1969, la sociologue Sherry Arnstein a établi une échelle comportant huit niveaux d'engagement des citoyens dans les initiatives participatives des acteurs publics, allant de la manipulation au contrôle citoyen. Ces niveaux sont les suivants :
- Manipulation
- Thérapie
- Information
- Consultation
- Implication
- Partenariat
- Délégation de pouvoir
- Contrôle citoyen
Alors que le Togo vient d'adopter une nouvelle Constitution instaurant la 5ème République, il est légitime de se demander : où se situe l'engagement du peuple togolais sur cette échelle ?
Voici ma réflexion sur ce sujet
Un changement constitutionnel sans le peuple ?
Le contexte politique actuel du Togo est marqué par l'adoption en avril 2024 d'une nouvelle Constitution instaurant un régime parlementaire. Ce changement majeur, aux implications profondes pour l'avenir du pays, a été opéré sans consultation populaire directe, tel qu'un référendum. L'approbation est venue de députés largement issus de l'Union pour la République (UNIR), le parti au pouvoir.
Cette démarche a naturellement soulevé de vives inquiétudes. L'opposition et de nombreuses organisations de la société civile ont dénoncé un déficit de participation citoyenne réelle, pointant du doigt une procédure qui, selon elles, a contourné la volonté populaire.
L'échelle d'Arnstein à l'épreuve des faits togolais
L'échelle d'Arnstein classe la participation citoyenne en huit niveaux, allant de la manipulation au contrôle citoyen. Dans le cas du Togo, les éléments suivants suggèrent une position dans les niveaux inférieurs de cette échelle :
- Absence de consultation populaire : Le fait que la révision constitutionnelle majeure ait été menée sans référendum est un indicateur fort. Cela correspond aux niveaux les plus bas de l'échelle, où les citoyens ne sont pas consultés du tout ou sont "informés" de décisions déjà prises.
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Le monopole du parti au pouvoir : La majorité écrasante du parti UNIR à l'Assemblée nationale, bien que le résultat d'élections, pose la question de la diversité des opinions et de la représentation effective de toutes les sensibilités citoyennes dans un processus aussi crucial.
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L'étouffement des voix dissidentes : L'interdiction des manifestations et réunions de l'opposition est une réalité préoccupante. L'agression subie par le député sénégalais Guy Marius Sagna lors d'une rencontre citoyenne à Lomé, illustration de la répression des voix critiques, renforce l'idée que le dialogue est limité, voire inexistant pour certains segments de la population.
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Les "tournées de sensibilisation" : Les campagnes gouvernementales visant à "promouvoir" la nouvelle Constitution, bien qu'elles puissent sembler relever de l'information, peuvent être interprétées comme une tentative de manipulation de l'opinion publique. Dans l'échelle d'Arnstein, la "manipulation" et la "thérapie" (où les citoyens sont "traités" et ajustés aux objectifs des autorités) sont les niveaux les plus bas.
Ces observations indiquent que la participation citoyenne au Togo, dans le cadre de la 5ème République, se situe probablement entre les niveaux 1 (Manipulation) et 3 (Information) de l'échelle d'Arnstein. À ces niveaux, la communication est unidirectionnelle, les citoyens sont des récepteurs passifs plutôt que des acteurs influents.
Conclusion
La situation politique actuelle du Togo, marquée par une centralisation du pouvoir et une participation citoyenne limitée, place le pays dans les échelons inférieurs de la pyramide de Sherry Arnstein. Si l'objectif est de tendre vers une démocratie véritablement participative où les citoyens ne sont pas de simples spectateurs mais des co-constructeurs de leur avenir, des évolutions majeures sont nécessaires.
Cela impliquerait la mise en place de mécanismes permettant une implication réelle des citoyens dans les processus décisionnels. Des consultations publiques authentiques, des référendums sur des sujets d'importance nationale et une représentation politique plus équilibrée sont des étapes essentielles. C'est à ce prix que le peuple togolais pourra passer de la "non-participation" à une véritable "participation" et, à terme, au "contrôle citoyen".
Selon vous, où se situe le peuple dans la 5ème République, en matière de démocratie participative au Togo ?
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