Le divertissement comme outil de domination : de Rome à TikTok



Dans son célèbre Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie explore une idée selon laquelle le divertissement est une stratégie essentielle utilisée par le pouvoir pour obtenir le consentement du peuple à sa propre servitude. Cette réflexion, bien que rédigée il y a des siècles, résonne encore aujourd'hui et mérite d'être examinée de près.

Une stratégie ancrée dans l'histoire

Loin d'être une idée nouvelle, l'utilisation du divertissement pour contrôler les gens existe depuis l'époque des empereurs romains. Ces empereurs savaient déjà qu'il était important de distraire le peuple pour garder leur pouvoir. Ils ont donc organisé des événements comme des courses de chars, des combats de gladiateurs, des pièces de théâtre, des comédies, des festivals religieux, des banquets et des fêtes publiques. Le divertissement englobe tous les moyens par lesquels les individus offrent un plaisir éphémère, une échappatoire qui les détourne de leur réalité.

Le plaisir éphémère

Regarder un match de football, consommer des drogues et boissons, scroller des vidéos sur les réseaux sociaux ou visionner des contenus pornographiques sont autant d'activités qui éloignent les individus de la réflexion critique sur leur situation politique. Ce plaisir momentané a pour but de détourner l’attention du peuple de sa servitude, créant ainsi un environnement où la question de la domination politique devient secondaire.

Les divertissements modernes

Aujourd'hui, les réseaux sociaux comme TikTok ont pris le relais des divertissements traditionnels. Les challenges et les buzz en ligne captivent des millions d'utilisateurs, offrant des moments de légèreté et d'évasion. Ces contenus, bien souvent amusants, détournent également l'attention des problématiques sociopolitiques. L'obsession pour les tendances éphémères peut nous amener à perdre de vue des questions plus profondes concernant notre liberté, notre autonomie et notre développement.

Ces nouveaux formats de divertissement remplissent la même fonction que les spectacles antiques : ils captivent et divertissent tout en maintenant une certaine passivité parmi les spectateurs. En se concentrant sur ces défis et ces danses à la mode, les utilisateurs risquent d'oublier d'interroger leur réalité sociale et politique.

Une ruse du pouvoir

Le divertissement est donc perçu comme une ruse qui produit non seulement un amollissement de la volonté mais également un abrutissement intellectuel. En entraînant les individus dans une quête incessante de plaisir, le pouvoir parvient à créer des citoyens consentants et acteurs involontaires de leur propre soumission. Un peuple diverti devient un peuple consentant ; ceux qui se laissent emporter par leurs plaisirs ne demandent qu'à en avoir davantage, renforçant ainsi leur propre servitude.

Etienne de la Boétie compare ces peuples facilement manipulables à des oiseaux ou des poissons qui se laissent prendre au piège pour une simple friandise. Pour les sociétés anciennes, les théâtres, jeux, spectacles et autres formes d’amusement étaient les appâts menant à leur asservissement et aux outils d’une tyrannie bien orchestrée.

Dans les sociétés modernes, les distractions comme les réseaux sociaux servent d'appâts, détournant l'attention des enjeux politiques et sociaux importants. Cela facilite le contrôle par les gouvernements et les entreprises, rendant les populations plus faciles à manipuler.

Un appel à la réflexion

La Boétie nous met en garde contre cette tendance à se focaliser sur la "mécanique du consentement au pouvoir", dénonçant le divertissement lui-même. Selon lui, il ne s'agit pas simplement de condamner la servitude mais plutôt d'en sortir activement. La prise de conscience et la réflexion critique sont essentielles pour échapper aux pièges tendus par le pouvoir.

Ainsi, en réfléchissant sur notre rapport au divertissement moderne — que ce soit via TikTok ou d'autres plateformes — et en questionnant son rôle dans notre vie quotidienne, nous pouvons espérer retrouver notre liberté et notre capacité à agir contre l'oppression subtile qui nous entoure. Le chemin vers l’émancipation commence par cette prise de conscience collective.


Cet article invite chacun d'entre nous à réfléchir sur nos habitudes et sur ce que nous acceptons comme norme dans notre société actuelle. Ne laissez pas le divertissement devenir votre seule réalité.


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Commentaires

  1. Etienne de la Boétie a planté le décors d'une situation qui s'envenime de nos jours, privant surtout la jeune génération de la capacité à réfléchir, à innover dans le sens du développement pratique et sociétal.

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  2. Très intéressante comme réflexion. Merci pour l'éveil de conscience !

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